Quant à la quatrième, je la formulerais ainsi, n’ayant pas en ces circonstances le souci d’être original, tout juste d’être exhaustif : s’il est des hommes que les apparences distinguent, il n’est pas un seul homme qui soit inférieur à d’autres à raison de sa naissance, ou de sa culture d’origine. L’espèce humaine ne connaît pas la hiérarchie.
Apparaît en cinquième, bien qu’étant peut-être la plus forte, la conviction qu’il n’y a pas un homme pour qui tout effort d’éducation est vain, tout apprentissage perdu d’avance. Je l’ai vu un jour condensée sous la forme d’un concept dans un ouvrage de M. Antoine de La Garanderie : il la nommait son « postulat d’éducabilité absolue ». J’en ai fait un credo dans l’ordinaire de ma profession.
A l’inverse, je ne peux que constater une volonté, qui dépasse les frontières de toutes les nations, de nuire au savoir, que dis-je ?, de détruire toutes les magnifiques avancées des cultures et des civilisations pour y substituer l’ignorance, l’exaltation du vulgaire et parfois de l’ignobles, bref tout faire pour que le monde se peuple rapidement d’ignorants et d’obscurantistes, incapables d’effort intellectuel et de réflexion. Je regrette le renoncement général et même la contribution que des personnes éduquées et cultivées ont pu, par calcul ou par aveuglement, apporter à ce vaste complot. Ces gens-là sont bien les serviteurs de futures dictatures.
La convergence des aspirations d’une société vers le changement est inévitable, nécessaire et souhaitable ; voilà ce que serait la sixième de mes convictions. Une société ne peut désirer son simple maintien. Elle ne peut que se projeter, encourager les évolutions qui permettront d’accueillir plus largement ceux qui la renouvelleront - sa jeune génération. Pourtant, la captation du désir de changement par des politiciens, quels qu’ils soient, est une manigance, une dérive de la démocratie, comme l’est la triste habitude, pour certains pays avancés, de se passer de leur jeunesse pour privilégier d’autres formes de renouvellement. Pensons, par exemple, à l’automatisation, aux emprunts bruts, ou à l’adulation imbécile de toute solution improvisée sur une terre étrangère. Tout ceci est de l’ordre de la rénovation, pas du renouvellement.
Lorsqu’en 1792 la Convention Nationale s’est posé la question de la mort du Roi, les partisans du régicide se sont rangés à gauche et les autres à droite. C’est la première trace historique de l’opposition gauche / droite en France. Il est certes impossible à quiconque de se placer dans d’autres circonstances, il reste que je ne peux m’imaginer décider la mort d’un autre. J’ai toujours, on le comprendra, été convaincu de l’existence d’autres postures révolutionnaires que celle de « se situer à gauche ». J’ai malheureusement toute ma vie été victime d’un malentendu sur ce point.
Je suis bien sûr navré de tant de banalité ; mais c’est une forme de politesse, avant de s’éloigner, que de tendre le bras pour désigner, comme d’autres montreraient au loin les collines qui nous environnent, les quelques choses auxquelles on a cru. Etes-vous convaincu ?